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Ordre du Carmel

L’Ordre du Carmel est né en Terre Sainte au XIIème siècle et a été réformé par sainte Thérèse d’Avila en 1562.
Le chariste originel est contré sur l’érémitisme pour vivre en présence de Dieu à la suite du prophète Elie. Au XVIème siècle, sainte Thérèse de Jésus (d’Avila) instaure un équilibre entre solitude et vie fraternelle, entre vie de prière et zèle missionnaire. A sa suite, Petite Thérèse (de Lisieux) et tant d’autres se tiennent devant Dieu pour tous. Ancrées dans le mystère de la Communion des Saints, les carmélites croient que leur vie cachée porte du fruit ailleurs et brûlent d’aimer Jésus et de Le faire aimer.

Pour aller plus loin, quelques pistes ici.

Les premiers Carmes étaient des ermites latins installés au début de XIIème siècle dans les grottes d’un vallon du Mont Carmel. Ces grottes existent toujours : les pèlerins de Palestine peuvent les voir dans le site magnifique d’une montagne verdoyante et fleurie qui s’avance en promontoire dans la Méditerranée. La première tradition nous enseigne qu’ils s’étaient réunis autour d’une chapelle construite par eux en l’honneur de la Vierge Marie. C’est Notre Dame du Mont Carmel : premier Ordre dans l’Eglise consacré à la Vierge, les Frères de Notre Dame.

Une autre Tradition, plus légendaire, mais riche en portée spirituelle, nous apprend que le Prophète Elie , avec son disciple Elisée, aurait fondé lui-même l’Ordre du Carmel. Nous savons en effet que la Bible, au premier Livre des Rois situe l’histoire d’Elie dans le cadre de la montagne du Carmel…

Vers 1209, ces ermites reçoivent une Règle de vie, rédigée par le Patriarche de Jérusalem, replié à Saint Jean d’Acre, Albert Avogadro. Selon le désir des Frères il détermina pour eux un mode d’existence qui allie vie solitaire dans des ermitages séparés  et vie fraternelle, sous la conduite d’un Prieur : solitude, silence, prière, pauvreté, ascèse, travail, éléments de vie communautaire, obéissance au Prieur. Le précepte central est celui de la prière continuelle : « que chacun demeure seul en cellule ou près d’elle, méditant jour et nuit la loi du Seigneur, et veillant dans la prière » Cette Règle de Saint Albert qui frappe par sa brièveté et son caractère tout évangélique, a façonné l’Ordre à ses débuts et l’a inspiré tout au long de son histoire, jusqu’aujourd’hui.

Au cours des XIV et XVème siècles l’Ordre subit le contre-coup des drames qui obscurcissent la fin du Moyen-Age (peste noire, guerre de Cent ans, grand schisme d’Occident)… Le Pape Eugène IV accorde une mitigation de la Règle.

Contrairement aux Franciscains et aux Dominicains, chez qui la branche féminine apparut dès le début, c’est seulement vers le milieu du XVème siècle que se constituent les premières communautés de Carmélites, sous l’impulsion du Bienheureux Jean Soreth , Général de l’Ordre. Ces communautés adoptent la Règle mitigée ; fondées tout d’abord dans les provinces du Nord (actuelle Belgique) et en France, elles se développent jusqu’en Italie et en Espagne. Le monastère de l’Incarnation , à Avila, où entre en 1535 la future Sainte Thérèse de Jésus, est l’un de ces Carmels . Nous verrons comment elle sera amenée à fonder ce qu’elle appellera « ses petits colombiers de la Vierge », pour retrouver la Règle primitive des ermites qu’elle marquera de son propre charisme.

Il faudrait un livre pour présenter la riche personnalité de celle que ses fils et ses filles aiment appeler “la Santa Madre” . En Espagne elle est tout simplement « la Santa ».  Cette petite page essaiera de donner un bref aperçu de sa vie jusqu’au jour où elle devient Fondatrice. 

TERESA de AHUMADA Y CEPEDA naît dans la ville castillane de Avila , non loin de Madrid, le 28 Mars 1515. Dans une famille nombreuse  « nous étions 3 sœurs et 9 frères ». Elle est la cinquième, la préférée de son père.

Son enfance est pieuse et soignée ; elle lit très tôt la vie des saints et s’exalte, avec ses frères, aux récits des martyrs. A sept ans, elle entraîne Rodrigo, son aîné de quatre ans, pour gagner le pays des Maures et s’y faire décapiter. A l’oncle qui très vite retrouve les fugitifs et les ramène au bercail, elle explique que c’est afin de voir Dieu sans tarder. « Je veux voir Dieu » : déjà se dessine la trame de sa vie.

A treize ans elle perd sa mère ; elle va dans une église se jeter toute en larmes aux pieds d’une statue de la Vierge, la suppliant d’être sa Mère. Sa prière fut entendue, car, écrit-elle « j’ai toujours trouvé un secours auprès de cette Vierge Souveraine. et enfin elle m’a amenée chez elle » (le Carmel).

Maintenant c’est une adolescente, riche de nombreux dons naturels, vive, enjouée, belle ; d’un charme irrésistible, elle attire et trouve agréable de plaire… Son père est prudent ; il la met pensionnaire (en 1531) dans un couvent voisin, où elle se lie d’amitié avec une religieuse et retrouve la ferveur de son enfance, tout en  souhaitant que Dieu ne lui donne pas la vocation ! Sa santé l’oblige à retourner chez son père (1533).

Mais en 1535, le  2 Novembre elle quitte la maison en secret pour entrer au monastère de l’Incarnation, Carmel de la Règle mitigée. Elle franchit ce pas avec grande détermination.

Généreuse, elle se donne sans compter à sa nouvelle vie, où elle goûte un vrai bonheur ; mais assez vite elle tombe gravement malade ; son état empire au point qu’un jour on la croit morte… Elle reprend vie, et finalement guérit : grâce qu’elle attribue à celui à qui elle a confié sa santé, Saint Joseph  « mon Père et mon Protecteur ».

Nous sommes en 1542. Alors commence pour elle une période de relâchement spirituel ;  pourtant sa maladie lui avait donné l’occasion de découvrir l’oraison mentale, et déjà elle s’employait à l’enseigner ; son propre père était l’un de ses disciples assidus. Mais le couvent n’a pas une stricte clôture, Teresa attire toujours les amitiés, les parloirs se succèdent, se prolongent. Elle se prend au jeu, délaisse l’oraison. mais le Seigneur a ses projets.

En 1553, entrant dans un oratoire elle voit une petite statue du Christ ensanglanté, elle est saisie :  « Je me sentis complètement bouleversée tant elle rappelait ce que le Seigneur avait enduré pour nous ». Elle se jette à genoux, le suppliant de ne plus l’offenser. La « conversion » ouvre une nouvelle étape, celle des grâces mystiques. Bientôt ce sera l’aventure des Fondations.

Nous sommes en 1555, Teresa est heureuse dans son couvent et la résolution de mener une vie religieuse fervente lui paraît la meilleure manière de répondre à cet Amour qui l ‘a saisie. Cependant, les grâces mystiques se multiplient et voici qu’en  1560, elle a une vision terrible de l’enfer, ou plutôt de la place qui aurait été la sienne si la Miséricorde divine ne l’avait sauvée. Alors s’allume en elle un ardent désir de travailler au Salut des âmes. « Je donnerais mille vies pour en sauver une seule »  , s’exclame-t-elle. Il est important de souligner que ce fut là le point de départ de l’œuvre fondatrice .

Peu de temps après cette vision, se trouvant avec des amies, l’une d’elle dit : « si nous voulions vivre comme les religieuses déchaussées, il serait possible de fonder un monastère » (il s’agissait des franciscaines récemment réformées car un vent de renouveau spirituel s’était levé dans l’Eglise).

L’idée était de fonder un monastère où l’on retrouverait le mode de vie des ermites du Mont Carmel et la Règle dans la rigueur primitive.

Pour le petit groupe en conversation c’est un rêve qui s’ébauche. La réalité pourra-t-elle correspondre ? Où trouver l’argent ? la maison ? Obtiendra-t-on l’autorisation, surtout pour vivre dans une grande pauvreté, une stricte clôture, pas plus de treize religieuses ? …

Beaucoup d’obstacles se dressent mais le Seigneur y met la main, intervient lui-même auprès de Teresa pour l’assurer de son soutien et de son désir que cette fondation se réalise et qu’elle soit placée sous la protection de Saint Joseph.

Après de nombreuses péripéties, le matin du 24 Août 1562, une petite cloche fêlée sonne à Avila.. La première Messe est célébrée, quatre jeunes filles revêtent l’Habit de bure grossière. Le Carmel de Saint Joseph est né.

A ce moment de notre récit, il semble bon de dire quelques mots du contexte historique, car l’œuvre de Sainte Thérèse est intimement liée à la vie de l’Église « Je suis fille de l’Église » sera une de ses dernières paroles avant de rejoindre son Seigneur. Or, cette époque est celle du grand schisme provoqué par Luther, et celui d’Henri VIII en Angleterre (martyre de Thomas More, 1535). L’Église est fortement secouée. Le Concile de Trente travaille à redéfinir la foi catholique et à établir les réformes nécessaires dans le clergé et dans l’Église. En Espagne, l’Inquisition protège de l’hérésie mais fait régner un climat de peur.

Peu avant la fondation de Saint Joseph, ont éclaté les guerres de religion en France. Teresa est informée de leurs ravages : destruction d’églises, profanations du Saint Sacrement, violences sanglantes… Profondément bouleversée elle s’exclame : « On voudrait de nouveau crucifier Jésus-Christ ! » car ce qui touche l’Église, touche le Christ. Elle donne à sa fondation nouvelle une intention pressante qui se perpétue : prier pour les prêtres, les théologiens et les défenseurs de l’Eglise. Quelques années vont s’écouler avant que commence la grande épopée des fondations. Bientôt Teresa sera la « Madre  Fundadora », sur les routes d’Espagne, et la réforme s’étendra à la branche masculine.

C’était donc le 24 Août 1562 que venait d’apparaître le premier monastère des carmélites déchaussées. Aussitôt une violente tempête se lève :  autorités civiles et religieuses en tête, toute la ville est en émoi, on veut supprimer cette nouvelle fondation, démolir la maison. Teresa est sommée de regagner son couvent. Heureusement le calme revient, elle pourra rejoindre ses novices mais seulement après plusieurs mois. Elle y passera cinq années « les plus tranquilles de ma vie » C’est là quelle commence à écrire  « Le livre de ma vie »  pour obéir à son confesseur et le « Chemin de Perfection » , à la demande de ses filles désireuses de pouvoir conserver ses conseils sur l’oraison. Dans ce « petit recoin de Dieu », les journées se déroulent ferventes : on prie, on travaille de ses mains, la Règle primitive est observée, mais le style de vie porte l’empreinte thérésienne : la solitude est alliée à une vie fraternelle marquée par l’affabilité et la gaîté qui se déploient dans les récréations que ne connaissaient pas les premiers ermites, mais auxquelles Teresa tient beaucoup car elles assurent l’équilibre dans l’austérité, et elle y donne le joyeux exemple, n’hésitant pas à danser au rythme des castagnettes !

Or, un événement va susciter une nouvelle étape – cette époque du XVIème siècle est aussi celle des grandes aventures missionnaires : à l’orient, saint François Xavier arrive en Inde en 1542, à l’occident c’est la découverte des Amériques : Huit des frères de Teresa y partiront en conquistadores. En 1566, un Père Franciscain arrive de là-bas ; il lui parle de ces milliers d’Indiens qui ne connaissent pas le Christ. Profondément émue, elle court se réfugier dans un ermitage et supplie le Seigneur de lui donner le moyen de travailler au salut de ces âmes : « Attends un peu ma fille, tu verras de grandes choses », s’entend-elle répondre.

Six mois plus tard, le Père Général de l’Ordre des Carmes, lui aussi en recherche de réforme de son Ordre, entend parler de ce nouveau petit Carmel si fervent et il commande à Teresa d’en fonder « autant qu’elle a de cheveux sur la tête ». Il permet aussi d’étendre la réforme à la branche masculine.

Et voici : au lieu d’un simple monastère tranquille, où se retirer avec quelques âmes choisies, elle va fonder un Ordre entier masculin et féminin. La même année elle ouvre un second monastère à Medina del Campo ; c’est là qu’elle rencontre le futur Saint Jean de la Croix : elle le persuade de travailler avec elle, l’initie à sa « manière de vivre » et en 1568 le premier couvent des Carmes réformés voit le jour.

Les fondations vont très vite se multiplier. Elle fondera elle-même quinze monastères, tandis que, malgré difficultés et contradictions, la réforme chez les Carmes s’étend elle aussi rapidement.

C’est en 1582, après une ultime fondation qu’elle tombe gravement malade et rejoint son Seigneur : « mon Epoux, il est temps de nous voir ! ».

Nous sommes le 15 Octobre 1582, TERESA vient de rejoindre son Seigneur. La grande aventure du Carmel va se poursuivre et les petits Colombiers de la Vierge franchissent bientôt les Pyrénées..  Le Carmel masculin, lui aussi, est florissant. Les fondations se succèdent et Saint Jean de la Croix  « cet homme céleste et divin », selon l’expression de Sainte Thérèse, est à l’œuvre, imprégnant de son esprit : Carmes et Carmélites.

Mais qui est ce Jean de la Croix ?

Lorsqu’il se présente à Teresa, en 1567, alors qu’elle cherche des Frères pour fonder, il a 25 ans, et vient d’être ordonné. Déjà il avait obtenu d’observer la Règle dans sa rigueur primitive. Mais, aspirant à une vie plus recueillie, il projetait de passer à la Chartreuse.

Petit de taille, il avait peu d’apparence, mais c’était un homme affable, d’une grande bonté et respirant la sérénité.

Teresa, ayant réussi à le convaincre qu’il servirait davantage la gloire de Dieu en portant son propre Ordre à une plus grande perfection… le Carmel des « Frères déchaux » pouvait ainsi commencer : on y menait une vie toute donnée à la prière, comme les Carmélites, alliée à une activité apostolique : prédications, confessions, catéchisme dans les villages alentour…

En 1572, Teresa, nommée Prieure de son premier couvent de l’Incarnation, fait venir Frère Jean et lui demande d’être le confesseur de ses filles qui sont près de cent quatre-vingt. Il exercera ce ministère pendant cinq ans. C’est là que s’établira, entre les deux saints, une profonde amitié spirituelle. « Il est le Père de mon âme » dira Thérèse.

En 1577, une grande crise éclate dans l’Ordre. Frère Jean passera huit mois emprisonné à Tolède dans un minuscule réduit du couvent des Carmes Chaussés. C’est là qu’il compose ses magnifiques poèmes mystiques (il est reconnu comme un des plus grands poètes de la littérature espagnole). Plus tard il rédigera ses traités spirituels qui sont les commentaires de ses poèmes.

Lorsque les Carmes Déchaux sont érigés en Province séparée le calme revient. Jean participe aux Fondations n’hésitant pas à manier lui-même la truelle de maçon. Il assurera diverses fonctions d’autorité, comme Prieur de couvents et il fut membre du gouvernement central de l’Ordre. Surtout, il sera un extraordinaire guide spirituel. Il enseignait les voies de Dieu avec tant de suavité que le chemin paraissait attrayant et facile à tous ceux qui avaient le bonheur de l’entendre. Il se dévouera particulièrement à ses Sœurs carmélites.

En 1591, des jalousies s’étant levées contre lui le Chapitre Général de Madrid lui enlève toute charge. Heureux de se retrouver  simple religieux, il est envoyé dans un couvent écarté, là il tombe malade : fièvre, ulcères douloureux… Dans la nuit du 13 au 14 décembre il demande à ses Frères qui le veillent de lui lire quelques versets du Cantique des Cantiques : « Oh ! quelles perles précieuses ! » s’exclame-t-il avant d’aller chanter Matines au ciel. Il a quarante neuf ans.

En commençant à parler du Carmel nous avons fait un petit séjour en Terre Sainte, pays des origines. Puis nous sommes passés en Espagne faire connaissance avec la grande sainte Thérèse et saint Jean de la Croix, « nos saints parents » comme disent les Carmes et les Carmélites.

On pourrait poser la question : et la France ? Et bien, voici… Maintenant que le Carmel réformé est né à Avila et qu’il a pris son essor, il va franchir les Pyrénées et connaître une expansion extraordinaire.

L’histoire débute avec un certain Jean de Brétigny, habitant Rouen, mais d’origine espagnole. En 1583, il est en séjour à Séville, on lui parle du Carmel et on le conduit au parloir du couvent de cette ville. Là, il rencontre Mère Maria de San José, fille de prédilection de la Madre. Il est enthousiasmé et dès lors, il n’aura de cesse de travailler à introduire le Carmel thérésien en France. A la même époque, tandis que les guerres de religion sévissent encore, un véritable renouveau spirituel a pris naissance dont le foyer de rayonnement est le salon d’une mère de famille : Barbe Acarie, (Saint François de Sales, Saint Vincent de Paul, font partie des hôtes).

En 1601 est publiée la première traduction des oeuvres de la Madre (réalisée par Jean de Brétigny)… c’est l’enthousiasme. En plus, Sainte Thérèse apparaît à Madame Acarie l’avertissant que Dieu veut qu’elle s’emploie à fonder des Carmels en France.

Dès la fin de 1602, celle qui deviendra plus tard au Carmel la Bienheureuse Marie de l’Incarnation, organise une sorte de pension destinée à recevoir et préparer les candidates. Les « regardantes » sont nombreuses et ferventes. De là sortiront les premières « novices » et futures « prieures » des Carmels français. Mais il faut aussi des carmélites qui aient connu Sainte Thérèse et en 1603 elles ne sont plus très nombreuses.

Une petite équipe quitte Paris le 26 septembre 1604 pour aller en chercher quelques unes. Le futur cardinal de Bérulle en fait partie ainsi que Jean de Brétigny.

Après bien des péripéties  un groupe de six carmélites espagnoles dont deux ont connu intimement Sainte Thérèse pourra partir. Elles arriveront à Paris le 15 Octobre et le 18 a lieu la pose du Saint Sacrement au Prieuré Notre Dame des Champs préparé pour être le premier Carmel. A la Toussaint les trois premières carmélites françaises recevront l’Habit du Carmel.

Par leur style de vie thérésien, les fondatrices sauront transmettre leur riche héritage aux premières  carmélites françaises sans avoir besoin de parler ni de franchir les barrières linguistiques car ces saintes mères ne connaissent pas la langue française mais elles arriveront quand même à se faire comprendre.

De 1604 à 1636 seront réalisées 63 fondations de monastères en France. Une seule des espagnoles restera dans notre pays : Mère Isabelle des Anges. C’est elle qui fonda le Carmel de Toulouse en 1616. Ce Carmel est maintenant à Muret… Il a fêté son IVème centenaire !

A ce moment de notre présentation il nous semble entendre cette question : mais qu’est-ce qui se vit au Carmel ? Cette question double appellera deux réponses : la première c’est que le Carmel est un « esprit » et alors nous dirons un mot de cet esprit, de la spiritualité carmélitaine. Il y a aussi la vie, la recherche de la sainteté. Il semble que la meilleure manière d’en parler serait de faire le portrait d’un saint, d’une sainte du Carmel qui a parfaitement vécu sa vocation.

Evidemment la première en ligne c’est notre  grande « Petite Thérèse », la plus belle fleur de l’Ordre et,  qui plus est de la terre de France.

Thérèse de l’Enfant Jésus est bien connue, semble-t-il, surtout depuis que ses reliques sillonnent la France et le monde mobilisant les foules et répandant beaucoup de grâces. Ce périple a commencé à l’occasion du centenaire de sa naissance au ciel : 1897-1997, et se poursuit encore.

Entrée au Carmel de Lisieux à l’âge de quinze ans, elle s’est donnée à plein à sa vocation. La vie d’une carmélite se déroule dans le silence : les journées sont ponctuées par les deux heures d’oraison en communauté (une heure le matin et une heure le soir), la liturgie très sobre, la lecture spirituelle en cellule, l’humble travail en solitude pour gagner sa vie : un travail qui n’empêche pas l’esprit de s’occuper en Dieu, demande la Madre Teresa, la fondatrice. Il y a aussi les récréations où Petite Thérèse sait faire le pitre pour la joie de ses Sœurs. Dans cette vie toute simple, oeuvre l’Amour, c’est ce qu’elle affirme peu de temps avant d’être emportée par la tuberculose à l’âge de 24 ans : « ma vocation c’est l’Amour. Dans le cœur de l’Eglise, ma mère, je serai l’Amour ! » Saint Jean de la Croix, son père, quelques siècles auparavant avait déjà dit que l’âme qui s’avance sur le chemin spirituel en vient à  « n’avoir plus d’autre office que d’aimer. »

Cet amour, c’est l’union au Christ : « lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi, plus je suis unie à Lui, plus  aussi j’aime toutes mes sœurs ».  Teresa, sa mère, appelait Jésus le « Capitaine de l’Amour » et enjoignait ses filles : « dans la prière il ne s’agit pas tant de penser beaucoup que d’aimer beaucoup ».

Et c’est ainsi que Thérèse de l’Enfant Jésus, sans bouger de son cloître normand devint patronne des Missions car l’amour la faisait brûler pour le salut des âmes. « Je suis venue au Carmel pour sauver les âmes »  et surtout « afin de prier pour les prêtres ». En restant toute petite et se laissant attirer, elle entraîne tous ceux qui veulent bien, avec elle, suivre la voie évangélique de l’enfance spirituelle : « Attirez-moi, nous courrons », cette parole du Cantique des Cantiques la fait vibrer. Et nous pouvons la prier : « toi qui t’es laissée attirer, Petite Thérèse, entraîne-nous ! »

Pour parler de l’esprit du Carmel il est nécessaire d’effectuer un retour aux origines : la montagne du Carmel, le prophète Elie et le premier mot qui se présente c’est : la FLAMME.

Un passage du livre de Ben-Sirac, le Sage, est éloquent :

« Alors le Prophète Elie se leva comme un feu ! Sa parole brûlait comme une torche… Comme tu étais glorieux, Elie dans tes prodiges ! … Toi qui fus emporté dans un tourbillon de feu par un char aux chevaux de feu. » (Si. 48, 1,9)

ELIE ! Une exclamation célèbre de ce prophète est la devise inscrite sur le blason du Carmel : « Je brûle de zèle pour le Seigneur, Dieu de l’univers »

Cette flamme, nous la retrouvons chez Saint Jean de la Croix dont une oeuvre porte le titre : « La Vive Flamme d’Amour » et chez Sainte Thérèse de Jésus qui vit un Séraphin lui percer le cœur d’un dard de feu, l’embrasant toute entière d’amour.

Le Carmel : Une FLAMME !

Un autre mot exprime une réalité inséparable de la première : la PRESENCE DE DIEU.

C’est encore Elie qui proclame : « Il est vivant le Seigneur en présence de qui je me tiens ! » Le Carmel : une présence à Dieu, le Dieu unique, soif de contemplation, marque d’absolu, appel du désert, c’est à dire  à tout quitter pour se cacher, comme Elie, dans la grotte de l’Horeb et pouvoir écouter Celui qui se révèle dans le murmure de la brise légère, ou mieux, dans la « voix d’un silence ténu ».

A cet appel répond une promesse : « la beauté du Carmel sera donnée à l’âme qui ressemblera à un désert » (Saint Grégoire de Nysse)

Enfin, pour atteindre la plénitude de l’esprit du Carmel, un troisième mot est un nom, ou plutôt une « personne » : MARIE. « Le Carmel est tout marial » « totus marialus est Carmelus ». Sans que la vie du Carmel soit, à proprement parler, l’imitation de la vie de Marie, elle est en  harmonie profonde avec l’âme de la Très Sainte Vierge qui est, elle-même, fille de David et vraie fille des prophètes. Le Carmel vit Marie, respire Marie. Sa vie est « marie-forme ». C’est l’Ordre de la Vierge.

Parler du Carmel, ce n’est pas seulement raconter une histoire, décrire un mode de vie, c’est aussi et surtout transmettre un appel qui s’adresse à tous : l’appel à la contemplation. Sainte Thérèse le dit clairement : « le Seigneur appelle tout le monde, il ne met pas de restriction, oui, Il nous appelle tous ! » (elle parle de la contemplation dont elle est en train d’instruire ses lectrices et lecteurs).

La spiritualité carmélitaine a un caractère universel : elle trouve écho aussi bien dans l’âme asiatique et africaine qu’européenne, et fleurit en Amérique comme aux  confins de la Sibérie !  Alors, vous qui ressentez une attirance pour la prière,  venez boire à cette source qui n’est pas réservée aux seuls habitants des cloîtres. Sainte Thérèse a été justement appelée « Mère des spirituels » , et ils sont nombreux les saints, qui au fil des siècles, depuis le commencement de l’Ordre et jusqu’à nos jours ont rayonné, chacun portant son parfum, sa grâce personnelle, dans une grande variété.

Donc, si le visage du Christ te séduit et que tu veuilles le prendre pour ami, laisse-toi guider par Teresa de Jésus. Ses écrits ne sont que le reflet de sa propre vie et le style oral et chaleureux de l’ardente castillane te séduira.

Si tu sens un appel à cet absolu divin car tu pressens que Dieu est « tout », si tu veux prendre le chemin le plus court vers le sommet de la sainteté, (mais oui, Dieu veut que nous soyons tous saints !)  alors écoute saint Jean de la Croix, laisse-toi brûler par sa flamme d’amour – et n’aie pas peur – le sentier est à pic, mais… il va tout droit et il est sûr !

Si tu aimes la vie pratique, l’humble frère Laurent de la Résurrection t’apprendra à vivre en « présence de Dieu » à travers les simples tâches de la vie quotidienne : « je retourne mon omelette pour l’amour de Dieu » … pas compliqué…

Si tu te vois petit oiseau fragile, mais avec les aspirations de l’aigle, Thérèse de l’Enfant Jésus sera ton amie, elle te prendra la main et chaque instant de ta vie deviendra Amour, avec cette confiance dans la Miséricorde, qui fait  « craquer » le Bon Dieu.

Si tu désires apprendre à te recueillir, faire silence au-dedans, Elisabeth de la Trinité va t’aider et tu goûteras la paix divine qui rend si heureux.

Si tu es plutôt du genre intellectuel alors, l’éminente philosophe allemande Edith Stein devenue Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, joyau encore peu connu du Carmel de XXème siècle te fera partager sa quête de Vérité.

Il y en a beaucoup d’autres : à chaque étape de son histoire. Nous voyons la spiritualité du Carmel se renouveler et s’enrichir par la grâce du Saint Esprit à l’œuvre dans les Saints. La dernière carmélite canonisée est sainte Maravillas de Jésus (Espagne) entrée au ciel en 1974. Notre XXIème siècle est à peine commencé mais l’Esprit ne cesse de travailler, prions le :   Viens Saint Esprit… Amen.