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Oraison

« Pour moi, la prière, c’est un élan du cœur, c’est un simple regard jeté vers le Ciel, c’est un cri de reconnaissance et d’amour au sein de l’épreuve comme au sein de la joie ; enfin c’est quelque chose de grand, de surnaturel, qui me dilate l’âme et m’unit à Jésus »

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

« Marthe avait une sœur nommée Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole » (Lc 10,39).

Ce verset de l’Évangile décrit assez bien ce qu’est l’oraison pour une carmélite : être assise, à genoux, aux pieds de Jésus présent dans le tabernacle, et L’écouter, Le regarder, L’adorer, sans se lasser, heureuse de cet « unique nécessaire » (Lc 10,42) qui consiste à être avec Jésus. Comme Marie de Béthanie qui écoutait la parole de Jésus, la carmélite, chaque jour dans le silence, veut recueillir en son cœur cette parole unique que Dieu lui donne comme son pain quotidien, « car l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu » (Mt 4,4).

Cette parole peut d’abord jaillir de l’Écriture, qui est un soutien sur le chemin d’oraison. Elle est toujours une parole vivante, qui peu à peu transforme la vie de la carmélite. En cela l’oraison ne se cantonne pas aux deux heures fixées par les Constitutions, mais elle donne sa saveur à la journée entière, à la vie entière.

            Me vient l’image que Jésus emploie pour parler du Royaume des cieux :

« il est comparable à du levain qu’une femme enfouit dans trois grandes mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé » (Mt 13,33).

C’est un peu le mystère de l’oraison : elle est un levain enfoui dans le silence de la prière, caché dans le secret de la clôture du monastère ; et pourtant ce levain fait son œuvre, silencieusement, « jusqu’à ce que toute la pâte ait levé », c’est-à-dire jusqu’à ce la carmélite ressemble davantage à Jésus, et avec elle, sa communauté, l’Église, le monde.

            Cette ressemblance découle de la fidélité à l’oraison, en tant qu’elle est une relation d’amitié. De même que deux amis, ou deux époux, ou des enfants avec leurs parents, finissent par se ressembler à force de se fréquenter. La carmélite veut par-dessus tout ressembler à Jésus, à qui elle a consacré toute sa vie, et pour cela elle choisit de passer beaucoup de temps avec lui, gratuitement, dans la foi inébranlable que ce cœur à cœur porte beaucoup de fruits pour le monde.

Une carmélite

Qu’est-ce que l’oraison ? Sainte Thérèse de Jésus répond : « L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un commerce d’amitié où l’on s’entretien souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »

L’oraison cherche Celui « que mon cœur aime » (Ct 1, 7). C’est Jésus, et en Lui, le Père. Il est cherché, par ce que Le désirer est toujours le commencement de l’amour, et Il est cherché dans la foi pure, cette foi qui nous fait naître de Lui et vivre en Lui.

L’oraison est la prière de l’enfant de Dieu, du pécheur pardonné qui consent à accueillir l’amour dont il est aimé et qui veut y répondre en aimant plus encore. Mais il sait que son amour en retour est celui que l’Esprit répand dans son cœur, car tout est grâce de la part de Dieu. L’oraison est la remise humble et pauvre à la volonté aimante du Père en union de plus en plus profonde à son Fils bien-aimé.

Ainsi l’oraison est l’expression la plus simple du mystère de la prière. L’oraison est un don, une grâce ; elle ne peut être accueillie que dans l’humilité et la pauvreté. L’oraison est une relation d’alliance établie par Dieu au fond de notre être. L’oraison est communion : la Trinité Sainte y conforme l’homme, image de Dieu, « à sa ressemblance ».

La contemplation est un regard de foi, fixé sur Jésus. « Je L’avise et Il m’avise », disait au temps de son saint curé le paysan d’Ars en prière devant le Tabernacle. Cette attention à Lui est renoncement au « moi ». Son regard purifie le cœur. La lumière du regard de Jésus illumine les yeux de notre cœur ; elle nous apprend à tout voir dans la lumière de sa vérité et de sa compassion pour tous les hommes.

L’oraison est écoute de la Parole de Dieu. Elle participe au « Oui » du Fils devenu Serviteur et au « Fiat » de son humble servante.

L’oraison est silence, ce « symbole du monde qui vient » ou « silencieux amour » (saint Jean sde la Croix). Les paroles dans l’oraison ne sont pas des discours mais des brindilles qui alimentent le feu de l’amour. C’est dans ce silence, insupportable à l’homme « extérieur », que le Père nous dit son Verbe incarné, souffrant, mort et ressuscité, et que l’Esprit filial nous fait participer à la prière de Jésus.

L’oraison est une communion d’amour porteuse de Vie pour la multitude, dans la mesure où elle est consentement à demeurer dans la nuit de la foi. Il faut consentir à « veiller une heure avec Lui » (Mt 26, 41).